Schreckhorn, Oberland, Arête Sud Ouest

Le Schreckhorn, ou pic de la terreur, n’aura pas faillit à sa réputation de l’un des plus beaux 4000m des Alpes. Probablement l’une de mes plus belles courses en montagne de cet été. Pourtant cela commençait mal. Chute de neige le mercredi, un gardien qui tente de nous décourager de venir… et notre propre intuition que ça peut faire quand même. Comme souvent en montagne, le mieux c’est d’aller voir. Au pire on aura fait une belle marche ;)

En ce dernier samedi de septembre, direction donc Grindelwald, au pied de l’Eiger, un endroit que j’aime beaucoup. Le dépaysement est total en vallée avec le trio gagnant “chalets-géraniums-pelouse de golf”, comme en montagne, où l’on se retrouvent seuls au coeur d’un gros massif. Y a pas à dire, cet endroit de la Suisse est simplement magnifique…
On opte pour la version la plus soft en prenant le télécabine de Pfingstegg et gagner un peu de déniv sur cette première journée qui nous amène en quelques heures à la Schreckhornhütte (le refuge). L’arête Sud Ouest n’a pas l’air trop enneigée de ce qu’on a pu en voir. Et nous avons l’agréable surprise d’apercevoir une trace sur le glacier, merci à la cordée de la veille!
Le couple de gardiens nous accueillent avec un verre de thé alors qu’ils sont en plein rangement. Ils fermeront lundi et nous sommes les derniers clients de la saison… La gardienne cuisine comme une chef et nous régale. Le gardien est un peu rustre mais contrairement à ce qui peut être dit sur certains sites web, il est sympathique et sérieux en se préoccupant des alpinistes qui passent par son refuge. (Je crois qu’il ne nous a pas lâché de la jumelle ;) )

Dimanche, 4h du mat, c’est le départ. Descente de la moraine, traversée du glacier, remontée un peu plus loin. Il y a pas mal de kairns au début et une sente assez bien marquée qui disparait peu à peu avec la neige. La marche de nuit passe toujours assez vite et l’on se retrouve déjà sur le glacier. Il y a plus de neige que ce que nous pensions et le bout de trace laissé par la cordée de la veille est bien apprécié. Nous passons la rimaye par la droite, là où elle est bouchée et remontons le couloir à droite de l’arête, suffisamment enneigé. Enfin nous arrivons au rocher. Un rocher orangé compact aux grosses prises franches. Le type de rocher rassurant et facile à grimper. Au niveau condition, il y a de la neige (ça on l’avait compris dès l’approche) mais ça ne gêne pas vraiment. On va juste un peu plus doucement que si c’était sec. L’arête qui mène du Schreckhorn au Lauteraarhorn est bien enneigée aussi. L’enchaînement sera pour une autre fois, ce qui fait une autre bonne raison de revenir :)
A 9h30 nous sommes au sommet et l’on profite largement de la vue offerte à 360°. Le panorama est incroyable. Mer de nuages sur les vallées de la Suisse à l’Italie et Montagnes plâtrées blanches au-dessus. Les photos ci-dessous en parlent mieux que moi.

Que dire de la descente? Que l’on a brassé jusqu’au dessus des genoux dans la neige devenue molle? Oui. Que le retour jusqu’à Pfingstegg était un peu longuet? Oui. Que le parapente aurait été le bienvenu? pas faux. Mais c’est surtout la beauté des montagnes environnantes, le fait d’être seuls sur toute une course, et la variété de terrains qu’offre le Schreckhorn dont je me souviendrai. Avec un grand sourire aux lèvres.

Le Schreckhorn en chiffres :
 Altitude : 4078m
 Altitude du refuge : 2530m
 Tarifs remontée de Pfingstegg : 24 CHF
 Tarifs demie pension du refuge : 61 CHF pour les membres du CAF
 J1 : 1280m positifs
 J2 : 1660m positifs
 Matos que l'on a pris :
 Une corde de 50m, sangles de 120cm,
 Camalots (gris, violet, vert), quelques câblés
 Matos de glacier

PHOTOS : NILS NIELSEN et LIV SANSOZ

Le Grand Capucin avec Vanessa, Fabien, Cédric et bien d’autres :)

Le soleil se couche et bientôt c’est sur le ciel étoilé que me yeux se fixent. Nous avons été en mouvement toute la journée, dû gérer mille et une petites et grandes choses et là, enfin, tout s’apaise. Les chutes de pierre dans les couloirs et les faces environnantes font place au silence. Les émotions de la journée s’atténuent doucement. J’apprécie pleinement ce moment où tout semble ralentir et je commence à réaliser ce que nous sommes en train de vivre. Aujourd’hui nous sommes là, au milieu de la face du Grand Capucin avec Vanessa François, alpiniste devenue paraplégique. Le sourire aux lèvres, amusée, je pense à ce projet complètement “fou” dans lequel je me suis embarquée aux côtés de Fabien Dugit et Cédric Lachat. Je pense à ce que cela signifie pour Vanessa d’être là. Vivre une aventure alpine malgré son handicap, s’élever sur l’une des plus belles faces du massif, toucher ce granit doré, retrouver ces sommets et cette vue et partager tous ces moments avec Fabien, Cédric, Bertrand Delapierre et moi-même, ses compagnons d’ascension. Je suis heureuse pour elle, satisfaite et presque fière de ce que nous sommes en train d’accomplir. Quelque chose que peu de personnes pensaient possible. Quelque chose d’un peu inaccessible aussi.

Ce projet, on l’a porté à bout de bras. Depuis le début Vanessa savait qu’elle pouvait compter sur moi mais il nous manquait une équipe forte pour le réaliser. L’arrivée de Fab et Cédric avait changé la donne et enfin nous pouvions passer à l’action.  La tâche n’a pas été facile pour autant. Approche sur glacier à gérer, altitude, froid, et surtout une paroi peu déversante ce qui rendait l’ascension complexe. Mais nous nous sommes mis à la tâche. Chacun, avec ses compétences, a apporté ses solutions : Cédric accompagné de Fabien pour tout ce qui était de la verticalité. Pour ma part, tout ce qui était approche, coordination et logistique. On s’est tous donnés à fond. Et ça a marché!

Au travers de ce post je voulais souligner le côté exceptionnel de cette ascension : un projet humain, un gros travail d’équipe (aussi réduite était-elle), et un vrai savoir faire technique.

Qui dit projet humain, dit justement des personnes. Elles n’ont pas été beaucoup nommées jusque là mais il est clair que le projet n’aurait pas pu se faire sans elles… Un grand, grand MERCI à Eliza, Juliette, Mathilde, Marcelle, Maxime, Paul, Laurent, Boris, Philippe, Christophe, Johan, Manu, Stéphane, Sylvain, Thomas et Bertrand. Avec une pensée spéciale pour Maxime supporter dès les premiers instants de ce projet.
Un grand Merci aussi à Tim Green, pilote de paramoteur hors pair qui a accepté sur le champ de prendre part au projet. Grâce à sa maîtrise du vol en Haute Montagne, il nous a déposé Vanessa comme une fleur dans la combe Maudite, a participé à la prise d’images aériennes et a pu ramener Vanessa à Chamonix après un vol magique au-dessus des aiguilles Chamoniardes.

Pour le travail d’équipe et le savoir faire, je “nous” dis bravo (et oui, une fois n’est pas coutume…)  et je salue ici Fabien et Cédric pour leur temps et leur énergie passés sur les stats en pleine paroi. Il y a eu l’avant ascension, l’ascension elle même et… l’après ascension… Au final cela représente un certain nombre de jours à installer et désinstaller des cordes, des ancrages, du matériel…
Bravo donc à Fabien, la force tranquille du groupe. Le parfait compagnon de cordée pour ce genre de projet… ou d’autres projets aux cotations bien corsées. Solide, efficace et calme quelque soit la situation. Tout est simple avec lui et ça déroule. Même quand, en vrai, cela ne déroule plus du tout…
Bravo à Cédric, la machine, l’hyper actif de l’équipe. Cédric c’est l’homme des manips, Il vous met en place un truc compliqué en deux secondes qu’il est bien le seul à comprendre. Autres particularités? 1) Il est plus rapide que son ombre en remontée de corde. 2) Il adore quand les situations deviennent très compliquées. C’est d’ailleurs dans ces moments là qu’il s’exprime pleinement et honnêtement, je n’ai jamais vu un gars aussi efficace et compétent. Son point faible? C’est un GROS boulet. Non je blague juste un petit boulet et on l’adore ;)
Et bien sûr, un grand bravo à toi Vanessa, étincelle et moteur du projet. Ta détermination est à la hauteur de ta passion pour la montagne. Tu es une femme d’un courage et d’une force intérieures incroyables. Et ce sont tes atouts pour la vie.

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Et bien sûr quelques images qui racontent une partie de l’histoire….
Photos : THOMAS BEKKERCEDRIC LACHAT, MAXIME MAGNANI, LIV SANSOZ