Quatre Filles et un Cervin

Photos Lorraine Huber, Giulia Monego, Melissa Presslaber et moi

Tout a commencé à la suite d’un SMS de Giulia arrivé le 1er Mai. Dès le début de l’hiver on avait parlé de faire des choses en montagne ensemble et puis rien. Conditions difficiles au début, incompatibilité dans les dates combinées à la météo puis souci au pied pour Giulia. Aussi quand elle me propose d’aller au Cervin pour en skier la face Est, je n’hésite pas trop. Enfin, un peu quand même car  je n’ai pas fait de “ski de pente raide” depuis bien longtemps. Roberto, guide et ami de Giulia a bien observé la face et confirme que les conditions peuvent être bonnes. Lui aussi veut y aller.

18h, Le Moo, Chamonix, mardi 3 Mai. J’ai roulé un peu trop vite dans les gorges de l’Arly pour arriver à temps. J’ai juste une petite heure devant moi et je dois filer à Genève. C’est encore une de ces journées “empilées”. C’est sûr, je vais encore préparer mon sac à point d’heure… Giulia (Italie) arrive puis Lorraine Huber (Australo Autrichienne) et Melissa Presslaber (Autrichienne). A part Giulia personne ne savait que nous allions être quatre… mais c’est une agréable surprise. Le courant passe super bien entre nous alors que Lorraine, Mèl et moi ne nous connaissions pas la minute d’avant. Mèl a déjà fait deux tentatives sur la face Est du Cervin et n’est pas trop motivée à y aller si on n’est pas sûres des conditions. Perso je suis un peu dans le doute à cause du vent annoncé. Mais on décide toutes ensemble d’y aller. On ne se rend jamais mieux compte des conditions qu’en y étant.

Mercredi 4 Mai, la Skoda Octavia, immatriculée en Autriche est chargée à bloc avec 4 filles super enthousiastes à son bord, direction Tasch. En route on reçoit un appel de Roberto qui nous dit que deux amis à lui ont tenté la face Est hier mais qu’ils ont fait demi tour à cause de plaques de vent. Pas la meilleure des nouvelles mais bon, nous sommes parties. Roberto pense qu’il va rejoindre ces deux amis au bivouac Bossi (côté Breuil Cervinia) pour (re) faire une tentative le lendemain. De notre côté, pas de changement de plan, l’objectif de la journée c’est d’aller au refuge d’Hornli et de regarder les conditions dans la face. Tasch, Zermatt, puis téléphérique de Furi… la face est toujours aussi belle imposante et paraît bien raide. On laisse les remontées mécaniques et le domaine skiable pour traverser par gravitation jusque sous la face Est. Elle a franchement l’air pas mal. De là, on met les peaux et on enlève presque toutes les couches. Il est midi il fait monstre chaud, pas un brin d’air si ce n’est en haut sur l’arête Nord Est. C’est parti pour un petit dénivelé jusqu’à Hornli. On prend le temps, la journée est magnifique et nous sommes les yeux rivés sur cette immense face.

Le nouveau refuge d’hiver est flambant neuf, tout propre et vraiment agréable. Le rituel classique de faire sécher le matériel, faire de l’eau, s’hydrater, manger et observer nous occupe jusqu’au soir. En liaison téléphonique, Roberto nous annoncent qu’ils montent dormir à la cabane de Solvay à 4003m sur l’arête Nord Est. La face est repassée à l’ombre, la neige s’est resserrée, la trace sera plus facile à faire et ils seront quasiment à pied d’oeuvre pour le lendemain matin. Nous, nous nous en tenons à notre stratégie de bien dormir et de grimper la face le lendemain tôt.

Jeudi 5 Mai, Hornli 4h du mat, c’est le départ. On commence par glisser, puis cacher les duvet, les peaux et autre matériel dont on ne va pas avoir besoin sous un gros rocher avant d’entamer la suite, crampons au pied. Il y a pas de mal de neige jusqu’à la rimaye et l’on s’enfonce bien. Avec Giulia on se partage la trace et ça nous demande quand même un bon petit effort. La rimaye passe tranquille et à partir de là ca se redresse bien. J’aime bien ces départs à la frontale, je trouve que ça passe toujours assez vite. Et plus on monte plus le soleil se lève et plus c’est beau. C’est toujours magique ces belles ambiance, ces lumières du matin, ces montagnes à perte de vue et ce sentiment d’être un petit rien au milieu d’une grosse face. Ca remplit de belles émotions et d’images ineffaçables.

Nous continuons de progresser tranquillement.La veille nous avions discuté la possibilité d’une ligne assez centrale dans la face, suggérée par Giulia et c’est là que l’on va. Mais arrivées à une certaine hauteur, on se rend compte qu’il y a vraiment pas beaucoup de neige posée sur les dalles et le rocher… Il faut se rendre à l’évidence, ça ne va pas faire. Nous sommes obligées de redescendre un bon morceau pour contourner des bandes de rocher et pouvoir traverser à droite, (côté grimpeur) afin de rejoindre la pente de neige sous Solvay. Un peu plus loin en dessous les filles comprennent que ça ne passera pas et vont pouvoir s’éviter la montée puis la descente en traversant bien plus tôt sous les bandes rocheuses. Il fait grand jour, nous avons perdu un peu de temps avec cette histoire mais jusque là pas d’inquiétude par rapport au timing. Nous nous rapprochons de Solvay au même moment que Roberto et ses deux amis en sortent pour entamer leur descente. On se salue de loin. Giulia est passée en mode machine et elle est bien déterminée à monter au point le plus haut d’où l’on pourra skier. On les regarde faire leur premier virage l’un après l’autre. La neige est encore bien dure. Je ne parle pas Italien mais je comprend le “Duro” que lance le premier à skier à ces deux compères.

Lorraine et Melissa nous rejoignent au point le plus haut que nous avons pu atteindre, sous une petite bande de rocher. Une petite centaine de mètres au-dessus de Solvay. La neige dans la partie haute est toujours un peu dure mais le temps que chacune s’équipe et que l’on prenne deux trois images, elle est parfaitement revenue. J’avoue, je suis un peu impressionnée. Je ne fais pas ce genre de ski tous les jours. Mais je suis avec trois excellentes skieuses et leur présence est plutôt rassurante. On est détendues, on rigole, tout va bien.

C’est Giulia qui ouvre le bal, elle fait son premier virage direct et enchaine. Solide. Je sens que je vais avoir besoin de déraper un peu pour sentir la neige avant de faire ce premier virage, souvent libératoire. Lorraine et Melissa sont à l’aise elles aussi. Elles assurent tout en étant relax. Au fur et à mesure que l’on descend la pente est moins raide et la neige vraiment bonne et la descente est vraiment classe. On reste vigilantes quand même, il y a toujours quelques requins malveillants cachés sous la neige et même si la pente est moins raide la chute reste interdite. Je vis cette descente intensément et j’en prends plein les sens. C’est incroyable d’être là, toutes les quatre avec une pure complicité au milieu de cette immense face, sur cette montagne si spéciale.

La rimaye arrive déjà. Presque trop vite. En bas on explose de joie. C’était magique, c’était différent, c’était la journée où il fallait être là, là avec les bonnes personnes. Un grand merci à Giulia, Lorraine et Melissa pour avoir partagé ce moment de ski unique et magnifique.

Toni Valeruz avait été la première personne à skier la face Est le 14 mai 1975. Jean-Marc Boivin en a fait la seconde répétition en partant de plus haut dans la face (première descente depuis l’épaule) 6 juin 1980. Sans lui (et d’autres) nous n’en serions pas là aujourd’hui. Mille Mercis de nous avoir ouvert autant d’univers.

A lire aussi en anglais le récit de Giula Monego sur PlanetMountain

 

Schreckhorn, Oberland, Arête Sud Ouest

Le Schreckhorn, ou pic de la terreur, n’aura pas faillit à sa réputation de l’un des plus beaux 4000m des Alpes. Probablement l’une de mes plus belles courses en montagne de cet été. Pourtant cela commençait mal. Chute de neige le mercredi, un gardien qui tente de nous décourager de venir… et notre propre intuition que ça peut faire quand même. Comme souvent en montagne, le mieux c’est d’aller voir. Au pire on aura fait une belle marche ;)

En ce dernier samedi de septembre, direction donc Grindelwald, au pied de l’Eiger, un endroit que j’aime beaucoup. Le dépaysement est total en vallée avec le trio gagnant “chalets-géraniums-pelouse de golf”, comme en montagne, où l’on se retrouvent seuls au coeur d’un gros massif. Y a pas à dire, cet endroit de la Suisse est simplement magnifique…
On opte pour la version la plus soft en prenant le télécabine de Pfingstegg et gagner un peu de déniv sur cette première journée qui nous amène en quelques heures à la Schreckhornhütte (le refuge). L’arête Sud Ouest n’a pas l’air trop enneigée de ce qu’on a pu en voir. Et nous avons l’agréable surprise d’apercevoir une trace sur le glacier, merci à la cordée de la veille!
Le couple de gardiens nous accueillent avec un verre de thé alors qu’ils sont en plein rangement. Ils fermeront lundi et nous sommes les derniers clients de la saison… La gardienne cuisine comme une chef et nous régale. Le gardien est un peu rustre mais contrairement à ce qui peut être dit sur certains sites web, il est sympathique et sérieux en se préoccupant des alpinistes qui passent par son refuge. (Je crois qu’il ne nous a pas lâché de la jumelle ;) )

Dimanche, 4h du mat, c’est le départ. Descente de la moraine, traversée du glacier, remontée un peu plus loin. Il y a pas mal de kairns au début et une sente assez bien marquée qui disparait peu à peu avec la neige. La marche de nuit passe toujours assez vite et l’on se retrouve déjà sur le glacier. Il y a plus de neige que ce que nous pensions et le bout de trace laissé par la cordée de la veille est bien apprécié. Nous passons la rimaye par la droite, là où elle est bouchée et remontons le couloir à droite de l’arête, suffisamment enneigé. Enfin nous arrivons au rocher. Un rocher orangé compact aux grosses prises franches. Le type de rocher rassurant et facile à grimper. Au niveau condition, il y a de la neige (ça on l’avait compris dès l’approche) mais ça ne gêne pas vraiment. On va juste un peu plus doucement que si c’était sec. L’arête qui mène du Schreckhorn au Lauteraarhorn est bien enneigée aussi. L’enchaînement sera pour une autre fois, ce qui fait une autre bonne raison de revenir :)
A 9h30 nous sommes au sommet et l’on profite largement de la vue offerte à 360°. Le panorama est incroyable. Mer de nuages sur les vallées de la Suisse à l’Italie et Montagnes plâtrées blanches au-dessus. Les photos ci-dessous en parlent mieux que moi.

Que dire de la descente? Que l’on a brassé jusqu’au dessus des genoux dans la neige devenue molle? Oui. Que le retour jusqu’à Pfingstegg était un peu longuet? Oui. Que le parapente aurait été le bienvenu? pas faux. Mais c’est surtout la beauté des montagnes environnantes, le fait d’être seuls sur toute une course, et la variété de terrains qu’offre le Schreckhorn dont je me souviendrai. Avec un grand sourire aux lèvres.

Le Schreckhorn en chiffres :
 Altitude : 4078m
 Altitude du refuge : 2530m
 Tarifs remontée de Pfingstegg : 24 CHF
 Tarifs demie pension du refuge : 61 CHF pour les membres du CAF
 J1 : 1280m positifs
 J2 : 1660m positifs
 Matos que l'on a pris :
 Une corde de 50m, sangles de 120cm,
 Camalots (gris, violet, vert), quelques câblés
 Matos de glacier

PHOTOS : NILS NIELSEN et LIV SANSOZ

Le Grand Capucin avec Vanessa, Fabien, Cédric et bien d’autres :)

Le soleil se couche et bientôt c’est sur le ciel étoilé que me yeux se fixent. Nous avons été en mouvement toute la journée, dû gérer mille et une petites et grandes choses et là, enfin, tout s’apaise. Les chutes de pierre dans les couloirs et les faces environnantes font place au silence. Les émotions de la journée s’atténuent doucement. J’apprécie pleinement ce moment où tout semble ralentir et je commence à réaliser ce que nous sommes en train de vivre. Aujourd’hui nous sommes là, au milieu de la face du Grand Capucin avec Vanessa François, alpiniste devenue paraplégique. Le sourire aux lèvres, amusée, je pense à ce projet complètement “fou” dans lequel je me suis embarquée aux côtés de Fabien Dugit et Cédric Lachat. Je pense à ce que cela signifie pour Vanessa d’être là. Vivre une aventure alpine malgré son handicap, s’élever sur l’une des plus belles faces du massif, toucher ce granit doré, retrouver ces sommets et cette vue et partager tous ces moments avec Fabien, Cédric, Bertrand Delapierre et moi-même, ses compagnons d’ascension. Je suis heureuse pour elle, satisfaite et presque fière de ce que nous sommes en train d’accomplir. Quelque chose que peu de personnes pensaient possible. Quelque chose d’un peu inaccessible aussi.

Ce projet, on l’a porté à bout de bras. Depuis le début Vanessa savait qu’elle pouvait compter sur moi mais il nous manquait une équipe forte pour le réaliser. L’arrivée de Fab et Cédric avait changé la donne et enfin nous pouvions passer à l’action.  La tâche n’a pas été facile pour autant. Approche sur glacier à gérer, altitude, froid, et surtout une paroi peu déversante ce qui rendait l’ascension complexe. Mais nous nous sommes mis à la tâche. Chacun, avec ses compétences, a apporté ses solutions : Cédric accompagné de Fabien pour tout ce qui était de la verticalité. Pour ma part, tout ce qui était approche, coordination et logistique. On s’est tous donnés à fond. Et ça a marché!

Au travers de ce post je voulais souligner le côté exceptionnel de cette ascension : un projet humain, un gros travail d’équipe (aussi réduite était-elle), et un vrai savoir faire technique.

Qui dit projet humain, dit justement des personnes. Elles n’ont pas été beaucoup nommées jusque là mais il est clair que le projet n’aurait pas pu se faire sans elles… Un grand, grand MERCI à Eliza, Juliette, Mathilde, Marcelle, Maxime, Paul, Laurent, Boris, Philippe, Christophe, Johan, Manu, Stéphane, Sylvain, Thomas et Bertrand. Avec une pensée spéciale pour Maxime supporter dès les premiers instants de ce projet.
Un grand Merci aussi à Tim Green, pilote de paramoteur hors pair qui a accepté sur le champ de prendre part au projet. Grâce à sa maîtrise du vol en Haute Montagne, il nous a déposé Vanessa comme une fleur dans la combe Maudite, a participé à la prise d’images aériennes et a pu ramener Vanessa à Chamonix après un vol magique au-dessus des aiguilles Chamoniardes.

Pour le travail d’équipe et le savoir faire, je “nous” dis bravo (et oui, une fois n’est pas coutume…)  et je salue ici Fabien et Cédric pour leur temps et leur énergie passés sur les stats en pleine paroi. Il y a eu l’avant ascension, l’ascension elle même et… l’après ascension… Au final cela représente un certain nombre de jours à installer et désinstaller des cordes, des ancrages, du matériel…
Bravo donc à Fabien, la force tranquille du groupe. Le parfait compagnon de cordée pour ce genre de projet… ou d’autres projets aux cotations bien corsées. Solide, efficace et calme quelque soit la situation. Tout est simple avec lui et ça déroule. Même quand, en vrai, cela ne déroule plus du tout…
Bravo à Cédric, la machine, l’hyper actif de l’équipe. Cédric c’est l’homme des manips, Il vous met en place un truc compliqué en deux secondes qu’il est bien le seul à comprendre. Autres particularités? 1) Il est plus rapide que son ombre en remontée de corde. 2) Il adore quand les situations deviennent très compliquées. C’est d’ailleurs dans ces moments là qu’il s’exprime pleinement et honnêtement, je n’ai jamais vu un gars aussi efficace et compétent. Son point faible? C’est un GROS boulet. Non je blague juste un petit boulet et on l’adore ;)
Et bien sûr, un grand bravo à toi Vanessa, étincelle et moteur du projet. Ta détermination est à la hauteur de ta passion pour la montagne. Tu es une femme d’un courage et d’une force intérieures incroyables. Et ce sont tes atouts pour la vie.

A lire aussi sur le Blog Petzl
Remerciements personnels à Petzl, Lyo Food et Salomon

Et bien sûr quelques images qui racontent une partie de l’histoire….
Photos : THOMAS BEKKERCEDRIC LACHAT, MAXIME MAGNANI, LIV SANSOZ

Sommet(s) pour le Climat_2

Tout a commencé en début d’année par une mise en contact avec Vincent Legrand, le directeur de l’institut des NégaWatt par mon bon ami Pascal Lenormand, ex Salomon, ex Mammut et qui a développé sa propre boite Incub. Les Négawatt, tiens, je connais… Je crois bien même avoir lu deux ouvrages de chez eux, offerts par mon frère, personnellement et professionnellement impliqué dans la transition énergétique via son bureau d’étude The Black Sheep Energy.

Ok ok c’est bien joli tous ces noms mais revenons-en à nos moutons justement… Vincent me présente donc l’ensemble du projet et m’explique les fondements de leur démarche. “Leur”, parce qu’il y a derrière ce projet toute une équipe :  Vincent Legrand, Pascal Ferren (ils formeront la cordée Vinscal lors de la traversée des Ecrins), François-Xavier Cierco, Lara et Serge Mang-Joubert, Emilie Gully, Julie Servien, Adrien Rodriguez, Félicien Poncelet, Bruno Cédat pour ne citer que les principaux. Vincent me rappelle des choses que je sais déjà et m’en apprend d’autres avec des mots simples, une voie claire et posée. Le sujet des bouleversements climatiques n’est pas nouveau pour moi. Mais tant que je prenais 30 avions par an (ça c’état avant…) et que je roulais un nombre de km bien supérieur à la moyenne nationale (ça aussi c’était avant…) je ne pouvais pas de l’autre côté m’investir légitimement dans des actions en faveur du climat. Bref, nous sommes en 2015, j’habite au pied des montagnes où je peux faire 90% des mes activités sans avoir à me déplacer. Ma pratique a changé, mes priorités aussi et le fait est que je me sens de plus en plus concernée par l’espèce de bombe climatique qui ne va pas tarder à exploser.

Du 30 Novembre au 11 Décembre 2015 se tiendra à Paris la COP21. Et c’est dans ce contexte favorable pour parler des bouleversements climatiques que le projet “Sommet(s) pour le climat” a vu le jour : d’une part les alpinistes sont les premiers témoins de ces changements climatiques et d’autre part les valeurs que l’on retrouve en montagne telles que l’engagement, la solidarité, la prise de décision, le courage, etc… sont justement les valeurs qui manquent en France pour se lancer dans une vraie dynamique de transition énergétique. Au lieu de cela, nous nous heurtons à de l’inaction, des carcans et des peurs. Face à cet immobilisme, “Sommet(s) pour le climat” a pour objectif d’interpeller nos décideurs et de mobiliser nos concitoyens sur la question des enjeux climatiques.

L’une des actions visible de “Sommets pour le Climat” est une traversée des Ecrins de 21 jours pour Vincent et Pascal accompagnés sur certaines sections par d’autres alpinistes tels que François Labande, Seb Ibanez, Cédric Dentant et moi-même.
J’ai donc eu le plaisir de partager la première semaine avec Vincent Legrand et Pascal Ferren, faisant cordée avec le grand guide Seb Ibanez puis le botaniste alpiniste Cedric Dentant. Une semaine magnifique sur les arêtes de la Meije puis celles de la Grande Ruine au tout début de la période caniculaire de cet été 2015. Une semaine avec de belles rencontres, une grande énergie, de l’engagement et surtout beaucoup de courage et de conviction. Car du courage et de la conviction il en faut pour se lancer dans 21 jours d’alpinisme en Oisans lorsque l’on est ingénieur et que l’on passe une grosse partie de son temps assis, que ce soit en réunions, derrière un ordinateur ou encore dans les transports en communs. Il y a là de quoi forcer l’admiration!

Petit retour en arrière…
Dimanche 28 juin : toute l’équipe de “Sommets pour le Climat”, et nous sommes nombreux, se retrouve à la Bérard, village rejoint en auto stop, bus et avec deux voitures remplies de matériel autant que de personnes. L’heure à l’organisation des sacs et pour Vincent et Pascal à l’organisation de leurs trois prochaines semaines. Ils ont prévu la plupart du matériel en double, en cas de casse durant ces 21 jours. Un espace de stockage nous est gentiment alloué au Chalet CAF de la Bérarde. Un bon repas et une nuit à la belle étoile viennent terminer ce dimanche de juin.
Lundi 29 Juin : le départ est lent, inertie de groupe oblige et puis tout le monde n’a pas encore trouvé ses repaires. Emily et Adrien, photographes passionnés se joignent à nous ainsi que Nicolas Hairon pour faire quelques images. Il fait beau, il fait chaud et la montée au refuge du Promontoire se fait tranquillement, au rythme des arrêts et des discussions. Nathalie et Frédi Meignant, accompagné par l’un de leur enfants nous doublent à la montée. Fredi n’est autre que le Président de la Mountain Wilderness. Ils sont contents et enthousiastes que le volet de la traversée des Ecrins voit enfin le jour.

Mardi 30 : ça attaque vite et fort avec Seb Ibanez qui donne le ton alors que le jour n’est pas encore levé. Il court comme un cabri sur ce rocher et je m’efforce de tenir le rythme. Nous sommes un peu lourds puisque nous avons pris du matériel pour bivouaquer et cela se sent. Mais finalement nous atteignons le Grand Pic de la Meije, attendons notre cordée Vinscal tout en faisant une bonne soupe. Ca ressemble un peu au repos du guerrier avant l’assaut suivant.

Du Grand Pic on traverse au Doigt de Dieu et de là nous avons deux options. Soit continuer par les arêtes jusqu’à la Meije Orientale, soit descendre en direction du refuge de l’Aigle pour remonter à la Meije Orientale. La cordée Vinscal prend l’option neige descente et remontée au Pic Oriental et la cordée Sebliv décide de continuer par les arêtes. Dès les premiers mètres j’ai presque commencé à regretter… C’est pas compliqué, il n’y avait pas un rocher qui tenait. Un pied de posé et c’est une cascade de pierres et de blocs qui s’écroulent… Bon au moins on aura un peu purgé pour les autres et puis rester sur le fil de l’arête avait un petit côté symbolique sympa malgré tout.

Mercredi 1er Juillet : il nous reste encore un gros morceau : Meije Orientale, Pavé puis Gaspard. On voit le Gaspard qui me parait loin, raide et un peu impressionnant. Mais l’heure n’est pas tant à se poser des questions qu’à avancer. Une première courte arrête de neige nous mène au rocher. De là commence une désescalade avant de réellement commencer la montée au Pavé. Le rocher sera d’ailleurs très bon avec quelques jolis passages d’escalade, surtout vers la fin, sous le sommet du Pavé. Premier sommet de la journée, rituel de la soupe histoire de s’hydrater puis c’est la redescente de l’autre côté pour aller chercher l’arête qui nous mènera au sommet du pic Gaspard. Encore une descente en rochers roulants branlants mais ce ne sera rien comparé à la descente du Pic Gaspard! Heureusement que je n’avais pas idée, sinon je n’y serai peut être pas allée.
La liaison Pavé-Gaspard n’est pas des plus évidentes mais Seb à l’expérience du terrain et mène nos deux cordées à l’attaque du Gaspard. Un Gaspard qui dans ce sens se laisse bien monter, avec un beau passage dans une cheminée raide suivit d’une traversée physique avec pas trop de pieds. Puis on se retrouve à l’horizontale sur le haut de l’arête jusqu’au sommet du Gaspard. Deuxième rituel de la soupe au sommet de la journée. Re lecture des topos pour la descente. Et c’est parti pour une descente un peu tendue avec des frigos suspendus en plus de tous les parpins. On ne s’en sortira pas trop mal avec seulement une tonche sur chaque corde. Un dernier rappel nous amène en dessous de la rimaye du glacier Claire et c’est presque une libération. La neige se descend facilement et un dernier petit rappel nous permet de prendre pied sur la moraine bientôt tapissée d’herbe. Hum, que le bivouac va être bon!

Jeudi 2 Juillet :
Nous poursuivons la descente pour rejoindre le vallon sauvage du plan de l’Alpe, véritable oasis de verdure et d’eau tumultueuse. Seb nous emmène à une source qui finit dans une belle gouille et nous pouvons nous tremper et nous désaler après 4 jours de marche à transpirer. Et ça, ça fait du bien…
Seb s’en va par le chemin du bas pour rejoindre Villar d’Arêne puis la Grave d’où il rentrera en Savoie en auto stop et train, tandis que Vincent, Pascal et moi prenons le chemin du haut et rejoignons le refuge d‘Adèle Planchard. La remontée est un peu longuette mais reste sympathique et nous sommes protégés du soleil par un beau cumulus ce qui rend cette approche moins pénible.
Là-haut nous sommes chaleureusement accueillis par Noémie et Aurélien, les deux gardiens. Le temps de tout faire sécher et de réorganiser les sacs et c’est déjà l’heure du repas, encore une fois délicieux! Entre temps nous avons appris que Cédric Dentant, botaniste au Parc National des Ecrins et que nous ne connaissons que par email nous rejoindra dans la nuit pour grimper avec nous l’arête Sud Est de la pointe Brevoort. En voilà une surprise! Car “Sommets pour le Climat” c’est aussi cela, des rencontres avec des personnes passionnées venues d’horizons différents qui manifestent leur intérêt et soutien au projet!

Vendredi 3 Juillet : L’arête Sud Est de la pointe Brevoort n’a rien de très difficile mais son accès est déjà limite en ce début juillet à cause de la canicule. Le couloir qui mène au col de la casse déserte d’où part l’arête est en terre et prend le soleil tôt le matin. C’est pas terrible. On fait de notre mieux pour éviter d’être dans le couloir qui parpine en prenant à droite, au maximum sur le rocher. Le couloir d’accès sera au final le crux de la journée. La suite alterne avec quelques très beaux passages d’escalade et des passages moins raides de petites montées et petites désescalade. Premier sommet de la journée et une fois n’est pas coutume, ce sera le seul. Le pic Maître ressemble vraiment trop a un éboulis de caillou et aucun de nous n’a plus envie d’y aller. Ce sera retour au refuge, repos, discussions et interviews avec Cédric, Noémie et Aurélien. Et puis il nous faut organiser la suite de la traversée, remettre le matériel de bivouac dans les sacs et se renseigner sur le glacier pour rentrer à la Bérarde.

Samedi 4 Juillet : retour à la Bérarde par le col de la casse déserte. Cette fois on le connais de la veille et nous sommes bien plus rapides donc moins longtemps exposés. En revanche le glacier de l’autre côté a vraiment un sale gueule et nous prenons un peu de temps pour étudier le cheminement qui nous semble le moins dangereux. Finalement ce sera une descente dans une partie un petit peu raide et glacée mais excepte de grosses crevasses ou de séracs bien penchés qui nous de permettra de continuer sans embûches jusqu’à la Bérarde.
Pour moi c’est la fin d’une belle Odyssée. Je dois rentrer à Chamonix. Je sais déjà que Vincent et Pascal vont me manquer même si je suivrai la suite de leur traversée et que nous nous enverrons des nouvelles par sms. Inévitablement la question de la suite se pose même si déjà d’autres actions sont prévues jusqu’à la COP21. Un premier dé a été lancé avec cette traversée, d’autres suivront.

La traversée s’achèvera ce dimanche 19 Juillet pour Vincent et Pascal. Mais vous pouvez toujours faire partie du projet qui se décompose en de nombreuses actions :
La signature par le plus grand nombre de la missive climatique aux décideurs. Si ce n’est pas déjà fait je vous encourage à prendre 5min en cliquant ici.
Le Summeeting, ascensions simultanée dans différents pays le week-end du 18 et 19 Juillet. Pour s’inscrire, contactez François-Xavier Cierco de Sommets pour le Climat : fx.cierco@gmail.com
La collecte de témoignages sur l’évolution du climat et la haute montagne. Le port du signe distinctif (demandez vos autocollants à contact@sommetspourleclimat.org).
La participation au concours photos qui donnera lieu à une exposition. La possibilité de dédier vos sommets au climat.
Un soutien financier pour réaliser le documentaire qui sera diffusé avant la COP21 et bien entendu le partage du message
J’espère qu’après ces explications, vous avez envie de nous rejoindre. Car la Transition Energétique, c’est une opportunité!!

Actions

Sommet(s) pour le Climat

Le défi climatique : prochain Everest de l’humanité ?

Face au défi climatique, des solutions concrètes sont identifiées (Scénario Negawatt, Scénario Afterres, Fiches actions détaillées pour les municipalités etc.). Mais il nous manque un imaginaire collectif porteur et motivant pour nous en saisir. L’expérience de la montagne est une source d’inspiration puissante pour oser vivre les changements de société que le défi climatique nous demande. C’est le message porté par le collectif Sommet(s) pour le Climat.

A l’approche de la COP21, Sommet(s) pour le Climat invite tous les acteurs de la transition Energétique et Sociale à oser s’emparer des valeurs de l’alpinisme, telles que le courage, l’audace, l’esprit de cordée, la persévérance. Mettons l’imaginaire de la montagne en images et en actions pour inspirer nos décideurs et renforcer la mobilisation collective pour le Climat.

Suivez les alpinistes du collectif pendant leur Traversée de Ecrins ! Du 29 juin au 19 juillet, 21 jours de récit pour illustrer 21 valeurs de l’alpinisme.

Signez et relayez la missive d’encouragement climatique à nos décideurs, pour qu’ils osent aborder  l’”Everest du Climat” à la COP21.

Vous pouvez aussi  nous soutenir financièrement pour que naissent un film et une exposition interactive.

Et si vous souhaitez participer, c’est facile :